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Une part croissante des consommateurs accepte de payer plus cher pour consommer des produits biologiques, cultivés sans pesticides, même si ces derniers n’ont pas nécessairement meilleur goût. Ceci n’est pas le cas pour les vins biologiques. En effet, ces derniers continuent trop souvent de se vendre à des prix équivalents à ceux non bio, et ce malgré une supériorité gustative de plus en plus évidente.
La nouvelle étude de Magali Delmas, économiste de l’environnement à UCLA, et d'Olivier Gergaud, économiste à la Kedge Business School de Bordeaux, en France, révèle que les vins certifiés biologiques par un organisme d'accréditation sont jugés meilleurs que les vins sans certification. Cette étude a été réalisée sur 128 000 vins français produits de 1995 à 2015, et évalués auprès de trois guides des vins réputés: Gault & Millau, Gilbert & Gaillard et Bettane Desseauve.
- En moyenne, les vins certifiés bio sont mieux notés (6,2% de plus) que les vins conventionnels ou ceux ayant adopté un label sans contrôle par une partie tierce (lutte raisonnée).
- Les vins certifiés biodynamiques par l'association Demeter ou Biodyvin ont obtenu des résultats encore meilleurs; leurs scores étant en moyenne 11,8% plus élevés que ceux des vins conventionnels ou raisonnés. Les producteurs de vins biodynamiques utilisent des méthodes différentes de celles de l'agriculture biologique. Ils adaptent, par exemple, leurs méthodes de production (taille, récolte, etc.) en fonction des cycles saisonniers et lunaires. Ils intègrent également la vie animale dans le processus de production afin de créer et maintenir un écosystème équilibré.
« Les vins biologiques et biodynamiques sont en général de meilleure qualité », déclare Magali Delmas. Elle ajoute : « C’est un autre exemple de produits durables offrant des avantages supplémentaires aux consommateurs. »
L'article issu de l’étude est publié dans la revue Ecological Economics, et fait suite à une étude réalisée en 2016 (PDF) par Magali Delmas et Olivier Gergaud qui a abouti à des résultats similaires pour les vins californiens. En effet, on apprend dans cette autre étude que les vins éco-labellisés biologiques de Californie, la principale région de production des Etats-Unis, ont obtenu des notes supérieures à ceux des vins conventionnels (4,1%).
Cette nouvelle étude menée par les deux chercheurs se focalise sur les cépages français afin de vérifier si les résultats restent valides pour le deuxième plus grand producteur de vin du monde (après l'Italie). Les traditions viti-vinicoles de la France remontent à 2 600 ans et, en 2019, la France a produit près de 4 milliards de litres de vin — assez pour remplir 7,4 fois le Rose Bowl de 90 000 places de Pasadena, en Californie.
Magali Delmas indique que : « les raisins cultivés de manière conventionnelle utilisent plus de pesticides que la plupart des autres cultures; cela met en danger la santé des travailleurs agricoles, de la faune et des communautés voisines ».
Les dangers de l’utilisation des pesticides dans la vinification ont été mis en évidence de façon spectaculaire en 2014, lorsque des enseignants et des élèves d’une école rurale dans la région de Bordeaux ont été hospitalisés en raison d’une exposition aux produits chimiques toxiques. Des manifestations ont suivi et les vignerons ont dû faire face à une forte pression publique. Depuis, l'industrie du vin en France a évolué plus rapidement vers les méthodes de l'agriculture biologique.
Plutôt que de se tourner vers des tiers pour certifier que leurs vins sont biologiques ou biodynamiques — ce qui impliquerait des inspections et des audits pour s'assurer que les produits répondent à certains critères — certains vignerons français ont élaboré leur propre norme de certification avec l'industrie. Or, l’étude de Delmas et Gergaud montre que ces vins sous label « Lutte raisonnée », sans partie tierce dans la plupart des cas n’ont pas tenu les mêmes promesses au plan gustatif que les vins labélisés par des parties-tierces (bio ou biodynamiques). Les vins labelisés sans partie tierce obtiennent en effet des scores similaires à ceux des vins conventionnels.
De plus en plus de vignerons français choisissent de produire leurs vins selon des méthodes bios ou biodynamiques. Parmi les 128 000 vins de l’étude, 3,9% étaient bio ou biodynamiques entre 1995 et 2000 contre 7,4% entre 2001 et 2014. Magali Delmas témoigne : « les propriétaires de petits vignobles ne veulent pas que leurs familles et leurs ouvriers agricoles soient exposés aux pesticides, et les grands vignobles, commencent à suivre leur exemple ».
Cela vaut la peine de trinquer pour l’environnement.
« Cela semble être un autre pas dans la bonne direction » convient Magali Delmas et elle précise «Pas seulement pour la santé et l'environnement, mais pour la qualité du vin ».
Cependant, le défi de faire savoir aux consommateurs que les vins biologiques ont meilleur goût est un autre obstacle. Dans son livre de 2018 «The Green Bundle: Pairing the Market with the Planet», Magali Delmas suggère que les producteurs de vin annoncent la qualité de leurs produits plutôt que leurs avantages environnementaux. Et qu'ils communiquent que les pratiques biologiques et biodynamiques sont en fait conformes à des pratiques séculaires — un clin d'œil au fait que l'industrie est si ancrée dans la tradition — alors que l'utilisation de pesticides synthétiques n'a commencé que dans les années 1930.